samedi, septembre 24, 2005

Correspondances à Renard.

Alors je suis de retour en terre d'exil, Montréal la grande visqueuse et puante, où l'air est à peine respirable... mais où il fait si bon choir au beau milieu d'une hétéroclite et certainement discutable réussite... (Tant en ce qui me concerne qu'en ce qui touche mon environnement)

Je vis, je vis, et avec moi, et dans mon esprit, tant et tant de personnages de la littérature passée et à venir. Oui, l'enseignement comme une voie à emprunter pour mieux assumer ma prétention à l'échec d'une vie et ma prétention tout court, oui, la litérature pour pallier à cette sombre destinée, à cet obscur regard sur moi-même, oui, plutôt que vivre, faire vivre ou revivre de grandioses personnages. Et je perçois ceci d'intéressant en cette perspective : rien de tout ça ne me déplait.

Au contraire, une motivation qui se dessinait d'abord à gros traits et lentement se précise : racheter auprès des générations à venir l'espoir que j'aurai perdu par ma propre lâcheté. Et d'ailleurs tu sauras me dire quelles sont tes idées sur le sujet; j'ai de plus en plus l'impression que l'enseignement est une jolie façon de reporter sur ses étudiants, élèves, la volonté que nous-mêmes avions de refondre le monde. Car s'il est une chose que j'aie retenue de tes deux cours, comme de ceux d'autres enseignants, c'est un bouillonnement, une effervescence, une volonté toute renouvelée de prendre part à l'amélioration de lieux, qu'ils fussent communs ou tout personnels. Ce qui, je le précise, n'exclut aucunement de prendre activement part auxdits changements souhaités, et ne saurait pardonner par ailleurs de s'en dispenser...

Mais peut-être suis-je encore trop excité par une vision que j'ai moi-même construite d'un monde meilleur. Peut-être en fait n'y a-t-il rien à changer, mais tout simplement une beauté à perpétuer. Or, je m'attriste à l'idée que cet univers soit fini, et désespère d'entendre que son sort soit d'ores et déjà réglé. Je ne sais dire pourquoi j'aspire à autre chose, peut-être par l'esprit de contradiction si nécessaire à l'évolution, alors qu'elle-même n'est peut-être qu'une bévue de l'âme et du bon sens. Qui sait, après tout?

Peut-être devrais-je tout autrement me concentrer sur moi, mais que suis-je pour mériter tant d'égards, au regard de l'humanité toute entière. Je suis trop futile, trop grain-de-sable-dans-l'univers pour mériter quelque effort que ce soit, et tout à la fois trop de cette même essence, misère, pour avoir une quelconque influence. Me changer moi-même, être moi-même de la nature que je désire pour l'Homme, et me répercuter? Certes, mais en l'absence d'assurance de la répercution, je m'effondre.

Je discutais hier soir avec un collègue de travail des plus désagréables, et qui pour une première fois se montrait dans toute son humanité entre une carte de punch et une montagne de cartons à recycler : aux abords de la cinquantaine, après avoir vécu maintes années dans la solitude la plus totale qui permette néanmoins la survie, il a décidé d'entreprendre des études, littérature, philosophie, non comme une fin mais comme un moyen; moyen de se connaître et d'avancer, serein, jusqu'à la mort. Peut-être est-ce l'unique voie? Mais j'ai bien amplement de temps pour le découvrir.

Du reste, il y a trop de politique, trop d'inacceptable, trop de révoltes ou de révolutions envisageables pour que je me confine à ma petite et vaine existence, alors je persiste et cherche en tout livre, en toute relation, morte ou vive, des armes en vue de me faire chevalier, en vue de ma conquête du Saint Graal, et tel Perceval et tous les autres, je ne sais pas même jusques ici quel il est, cet objet de Malheur. Peut-être l'élément même qui déclanche ma frustration lorsque devant la futilité et la superficialité de certains êtres, je rage de ne pouvoir les convaincre de leur insolente indifférence. Mais qui suis-je pour décider de ce qui doit importer, de ce qui n'est pas futile, si eux-mêmes ont -- encore faut-il qu'ils y aient véritablement réfléchi -- si eux-mêmes, disions-nous, ont décidé que c'est en de tels questionnements que réside la futilité.

Car il m'appert y avoir sur cette terre trois types d'individus, dont la différienciation n'est peut-être pas purement et simplement théorique...

1. Ceux qui n'entendent rien des questionnements plus profonds
2. Ceux qui perçoivent, mais sans leurs réponses, de questions que je n'ai d'autre choix que de qualifier d'existentielles, malgré mon dédain de la consacration du mot comme d'une ère nécessaire de l'adolescence...
3. Ceux qui ont renoncé à chercher les réponses et, en conséquence, agissent comme les premiers en aveugles, et, souvent, en barbares.

Et j'hésite, j'hésite, à savoir si je dois suivre mon instinct qui me dicte d'en condamner certains. Ma sensibilité n'est pas celle d'autres et inversement. Mais j'ai la certitude qu'il existe différents niveaux d'intelligence, et j'abhore les populistes et démagogues gauchistes qui prétendent que tous ont les mêmes capacités d'entendement. Physiquement, neurologiquement ne sont pas synonymes de psychologiquement et spirituellement, non plus de consciemment.

Je crains m'être emporté et tu m'accuseras encore de tenir un discours pompeux, enflé et ampoulé. Soit. Mais combien honnête.

Tu demandais des nouvelles, et, me relisant, je me dis qu'il n'y en avait peut-être pas... Mais bien des questions à poser à un vieux renard grisonnant.

mercredi, septembre 21, 2005

Né pour un petit pain

Sur ça va aller, de Catherine Mavrikakis, temple dédié à la beauté de la honte nationale.

«Si la religion est l’opium du peuple, l’enfance est l’héroïne de l’individu. Ride the dragon, then let it die alone.»


Québec! Québec ma muse morte. Québec avec son gros cul, avec ses bottes sales de bûcheron agoraphobe. Ah! Québec de Valcourt et de Sainte-Sophie. Québec qui meurt, dit-elle, l’auteure, avec un «e» parce que, dit-elle, elle, la femme de lettres, que le Québec est si doux, si mou, qu’il met des «e» pour féminiser, pour attendrir, pour égaliser, pour niveler. Québec qui est mort, et enterré sous terre, pour n’être jamais plus grand, jamais plus beau, jamais plus. Québec qui ne grandira pas, Québec qui souffre d’un retard de vieillissement, et dont les cellules, individus profanes et cloîtrés ne font, elles, que vieillir. Québec qui se compare et se désole, Québec qui contredit ses propres adages. Québec invisible, inconsolable. Québec qui voit tous ces pays. Tous ces pays qui lui échappent. Tous ces Grand-Pères pays, toutes ces Ancêtres-Nations, toutes ces reluisantes et visqueuses aspirations.

Que sont tous ces pays, aboutis, physiquement mature?

Que sont la France, hésitante entre ses six côtés, la suisse, tout naturellement au beau neutre, l'Angleterre, magnifique empire sur lequel le soleil ne se lève jamais, and God Save The Queen! Mais puisqu'à certains, l'Europe pue au nez, qu'est donc le Japon, muet, docile, travaillant; que sont donc les zétas zunis, force active pour le bien dans le monde (!), et puis, pourquoi pas, qu'est l'Argentine ...que se vayan todos ... depuis qu'il n'y a plus de quoi vivre...

Atteint un objectif, atteinte une victoire, une finalité, et sur un point de chute. Quoi encore? Expansion territoriale? Économique? Oui! Oui, jusqu'à ce que l'explosion, jusqu'à ce que la solitude, jusqu'à ce que plus soif? Oui, oui, rien contre.

Mais encore. On construisait des pays, de beaux, d'immenses magnifiques et grandioses pays pour l'autarcie, pour le pouvoir d'achat, pour le confort, pour, enfin, pour... le confort, il sert à ... non! Tout mais pas ça!! Non, non, non, non... disposer de temps pour évoluer, en tant qu'espèce, en tant qu'être vivant, membre d'une communauté, peut-être, oui, peut-être, comme le disait Jacquard, pour aller à la rencontre de l'autre? Et vive la mondialisation, maintenant.

Mais dites-moi, madame Mavrikakis, quelle est donc cette ambition dont votre personnage veut tant? De la destruction, de la grande morsure quotidienne. Soit. Pour reconstruire, faire plus beau, dire mieux, vivre plus doucement, s'attendrir et mourir? Pas même. Pour, alors, le spectacle? La futilité du spectacle et la beauté de l'acceptation du vide... Et la dignité de la mort dans la connaissance...

De tels personnages existent, de telles personnes vivent, elles déambulent rue De Lorimier, Mont-Royal, Darlington, Ste-Catherine, Dorchester, Notre-Dame, Broadway, 5th avenue, des Champs Élysées, ou, oui, ou… où, où encore?

Mais lucides. Mais conscientes. Mais, bien au fait d’être en ce monde intolérable d’inutilité, de mensonge, de cynisme, de dérision. Prévenues, de n’avoir probablement rien derrière et certainement rien devant. Et lucides. Et conscientes. Personnes conscientes que le monde dans lequel nous vivons est une vrille interminable, qui nous soûle si l’on y est et nous rebute si l’on n’y est pas. Et qu’il valait peut-être mieux y être, nauséeux, mais ne jamais rien connaître du dégoût.

Et je ne sais plus qu’en dire, qu’en penser. De ces gens, de votre personnage, de votre livre. Car au-delà de ce que je ne sais saisir, il y a peut-être la projection que je fais. Il y a peut-être l’inclusion fautive, et la simple existence de ce mémo relève sans doute de l’erreur fondamentale. Je ne sais plus trop. Je ne me souviens plus.

Ce que je tenais à vous dire, c’est que j’ai détesté votre livre. Au point de me dépêcher de le finir pour avec un peu de chance ne plus jamais y revenir. Et que je l’ai aimé. Au point de le détester.

Au fait : «Lou n’est qu’avenir», p. 131. Bravo! Bravissimo! Brava Catherine Mevrikakis! Quelle blague! Voir dans l’enfance l’avenir du monde. Voir dans la progéniture le futur de l’humanité. Depuis Freud? Depuis Sparte? Depuis Ève? Depuis le grand jardin? Depuis toujours et pour les siècles des siècles. Amen. Si la religion est l’opium du peuple, l’enfance est l’héroïne de l’individu. Ride the dragon, then let it die alone.

Québec, québec ma muse morte? québec ti-q, québec ti-gus, ti-coq, québec ma muse bien vivante, québec mon reste de rien, ma bouillie, mes asperges en can et mon pâté chinois, québec incolore et suave, québec mon anatomie, québec, certes pas ma tête ni mon cœur, ni mes entrailles ni mes fils, québec de rien du tout, terre natale et puis fatale.

Québec, Québec partout parce que comme tout le monde, comme toute la mappemonde, avec sa tête de chien, comme une part de la petite famille, sale cabot, mais familial, et sous les érables, s’en va pisser contre un tronc, parce que Québec laisse sa trace, comme tout le monde, parce que Québec pisse et s’éviscère un jour, comme tout le monde, parce que Québec, moi, vous, n’importe qui, n’importe où, et n’importe quand, comme tout le monde, parce qu’en s’excusant, parce qu’en scandant «Hey! Speak White!», parce qu’en maugréant «C’est toi qui part, ou moi je te quitte», parce qu’en fredonnant que «sur les plaines d’abraham, l’armée trinquait à l’eau de vie», parce qu’en ruisselant sur «mon St-Laurent, si grand, si grand», parce qu’en s’ennuyant, à La Manic ou à Gaspé, assis sur l’bord d’notre trou, à se creuser la tête, parce qu’en ne tuant pas cette beauté du monde, alors, peut-être, oui, peut-être bien qu’on erre, mais c’est tout de même un peu vivre. C’est tout de même, encore, un peu, exister, soi-même, sans reporter sur l’enfance les espoirs de grandeur.

Né pour un petit pain, soit. C’est encore mieux que de mourir sans Comprendre.

dimanche, septembre 18, 2005

abstract.

« on sait que les jours ont passé quand on ne perçoit plus dans les yeux d’une femme que les cauchemars qui ont meublé sa nuit; et que même en ce cas nous savons qu’ils ont été différents des nôtres. D’abord on partage des rêves, ensuite des cauchemars, et vient un jour où l’on partage les meubles. »

mercredi, septembre 14, 2005

Smog sur ma vie

(titre emprunté, je crois. Google ne recense aucun article. Google n'est pas omniscient.)

Chaleur. Chaleur insupportable et suffocante. Pas tant la chaleur de la ville que celle de son corps contre le mien. Mais encore, pas la chaleur comme l'énergie calorique s'en dégageant, et par les voies de la conduction se transmettant d'elle à moi. Bien davantage son amour énergique. Suffocant.

Car persiste comme en tout épisode de chaleur intense, un smog entre nous. Un smog sur ma vie. La perte de la jouissance de l'air qui circule aisément, et du ciel métallique. Métalliquement bleu. Le bleu se recrée aux hasards des aurores, même sous le smog. Le métal, lui, dépoli, tinte, clochette vide aux abords de ma vie, des sons stridents. Des sons qui exhortent la fuite de fuir. Des sons qui renoncent au renoncement. Même dans l'action, on renonce. On désarçonne.

Persiste donc un smog entre nous. Une poussiéreuse vertu.

...

Et j'oublie, tout en oubliant d'avoir mal. Mais c'est beaucoup plus facile de dire que vous omettez d'enfoncer en moi tous pieux qui me blesseraient.

je me fais critique.

Honteuse introspection parce que nombriliste, je me fais critique.

Les algues poussent à l'envers, parce que je suis bien -- mais pour combien de temps; une semaine, encore, demandait celui-ci..?.. Parce que le confort en est un des plus vides, parce que je me sens bien dans rien, et non pas je «NE» me sens bien dans rien. L'absolu inexistant ne me déplait même pas. Et, et au fond, j'aimerais peut-être qu'il me fasse encore souffrir. Mais inventons donc une vie.

The beautiful lies, "les beaux mensonges" ou alors "la beauté ment" -- merci, toi -- ne seront que plus vraisemblablement faux.

JP

lundi, septembre 05, 2005

note à moi-même. Coupures radicales. 22 juillet. 1er septembre. ;)

dimanche, septembre 04, 2005

Les algues poussent à l'envers

N'y'a plus d'effluves
Les terres sont fendues
Demain dérive
Je ne suis plus

Je ne suis plus que la ficelle
L'air d'une chanson oubliée
Dérisoire et je me morcelle
Debout, nu sur ces sentiers
Que j'ai trop épiés
Et j'ai tant marché
Pour aboutir, idéale solitude
Pour m'apauvrir, vie absurde
Trop de rêves éventrés

Je ne suis plus que l'hirondelle
Annonciatrice de rien du tout
Mes yeux m'ensorcellent
Nu sur ces sentiers, debout
Tout est si doux
Et je suis si fou
Que j'aboutis, idéale solitude
Et m'apauvris, vie absurde
Trop de rêves en nous

N'y'a plus d'effluves
Les terres sont fendues
Demain dérive
Nous ne sommes plus

jeudi, septembre 01, 2005

Entre les branches

C'était un jour très froid
Sur les arbres de nos jours
a soufflé un vent d'effroi
Un spasme, un retour
Et la douceur de nos airs bêtes
J'ai détourné la tête,
en un frisson
Et perdu mes horizons